Réforme de l’assiette sociale des indépendants

L’article 18 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024 prévoit une refonte de l’assiette sociale des travailleurs indépendants, dès 2025 : les cotisations et contributions de ces derniers seront calculées sur une assiette unique et simplifiée.

Quels sont les enjeux de cette réforme ? En quoi consiste-t-elle ? Nous vous donnons les clés pour expliquer à vos clients cette modification, qui peut paraître complexe à première vue.

Constats et solutions

Dans une approche pédagogique, rappelez à vos clients le mécanisme des cotisations. Les travailleurs indépendants cotisent aujourd’hui sur deux assiettes distinctes :

  • D’un côté, une assiette nette, sur laquelle s’applique les cotisations sociales, créatrices de droit sociaux (retraite, invalidité-décès, indemnités journalières) ;
  • Et de l’autre, une assiette « super-brute », qui permet de calculer la CSG et la CRDS, deux contributions non créatrices de droit. Elle a la particularité de réintégrer les cotisations sociales.

Ce mécanisme présente deux problèmes majeurs :

  • Premièrement, il est très complexe, car pour déterminer l’assiette de cotisation d’un indépendant, il faut préalablement calculer le montant des cotisations dues selon une méthode « circulaire » ;
  • Deuxièmement, pour un même niveau global de prélèvements sociaux, la part des contributions non créatrices de droit (CSG-CRDS) due par les TNS est plus importante que chez les salariés. À l’inverse, la part des cotisations créatrices de droits est plus faible. Cette différence de traitement est particulièrement pénalisante pour les indépendants, en particulier en matière de droits à retraite.

L’idée de créer une assiette sociale unifiée a alors émergé afin de répondre à ces deux problématiques.

Elle serait constituée de manière à augmenter la part des cotisations dans les prélèvements sociaux des indépendants, créant de fait plus de droit à protection sociale (et notamment retraite) pour les TNS. En miroir, l’assiette de la CSG-CRDS serait plus restreinte que celle en vigueur.

Nouvelle assiette unifiée

Schématiquement, et comme l’explique un rapport sénatorial, la nouvelle assiette unifiée se composerait du revenu professionnel diminué du montant des frais et charges professionnels autres que les cotisations et contributions sociales, auquel serait appliqué un abattement de 26 %.

Il est précisé que cet abattement :

  • Ne pourra pas être inférieur à un plancher fixé par décret, lequel ne pourra pas dépasser le montant de la cotisation minimale d’assurance vieillesse, soit 11,50 % du PASS (5 332,32 € en 2024) ;
  • Ni être supérieur à un montant plafond, également fixé par décret, qui ne pourra être inférieur au montant du PASS en vigueur.

Nous vous conseillons de vous référer à la page 163 du rapport sénatorial réalisé dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Elle comporte un schéma du projet d’assiette sociale unique des travailleurs indépendants, qui permettra à vos clients de mieux comprendre le mécanisme.

Ce nouveau calcul ne concerne que les travailleurs indépendants dits « classiques », et non les micro-entrepreneurs relevant du régime micro-social. Des modifications devraient toutefois intervenir de leur côté, afin de maintenir une équivalence avec le taux effectif de cotisations des indépendants classiques.

Problématiques à venir

Il faut garder en tête que cette nouvelle assiette unique pourrait avoir ses travers :

  • Les indépendants sont une population vaste, constituée des artisans, commerçants, professionnels libéraux et avocats. Ils ne sont, de fait, pas logés à la même enseigne en matière de cotisations. Les taux étant variables d’un régime à l’autre, cette évolution ne va pas bénéficier à tous de la même manière. En tout état de cause, vos clients ayant des revenus élevés pourraient connaître une augmentation importante de leurs cotisations globales ;
  • Cette simplification ne signifie pas que les professionnels indépendants auront une plus grande lisibilité sur leurs prélèvements sociaux. Il sera nécessaire d’inclure dans cette assiette unique les incidences fiscales, la CSG-CRDS non déductible ainsi que les cotisations facultatives.

Et maintenant ?

L’article 18 de la LFSS pour 2024 prévoit que l’assiette unique s’appliquera au calcul des cotisations et des contributions dues par les travailleurs indépendants non agricoles (qui ne relèvent pas du régime micro-social) au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2025.

Il ne reste plus qu’à attendre les différentes ordonnances du gouvernement, qui viendront assurer la bonne mise en œuvre de cette réforme.

Si vous conseillez des travailleurs indépendants agricoles, sachez que ces derniers ne seront concernés qu’à compter de 2026.

Sur le même thème

  • Quels sont les nouveaux taux de cotisation maladie pour les travailleurs indépendants ?

    Vous êtes expert-comptable ? Vous comptez des travailleurs indépendants parmi vos clients ? Bonne nouvelle pour ceux d’entre eux qui ont des revenus modestes. La loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, a instauré une baisse pérenne des cotisations maladie de sécurité sociale.

  • Prestations en espèce des indépendants : les mesures adoptées pour faire face à la crise sanitaire reconduites en 2023

    Les travailleurs indépendants ont parfois été durement touchés par la crise sanitaire liée au Covid-19. Vous le savez car en tant qu’expert-comptable, vous avez été particulièrement engagé auprès de vos clients pour les accompagner et assurer la pérennité de leur entreprise.

    Vous allez pouvoir les rassurer : la baisse de chiffre d’affaires qui a pu les toucher en 2020 n’impactera pas l’indemnité journalière de la Sécurité sociale qu’ils percevront en 2023.

    Mais ce n’est pas tout : les mesures dérogatoires mises en place pour les indépendants à faibles revenus et les micro-entrepreneurs sont aussi maintenues. On vous explique tout.