Faute inexcusable : l’obligation de sécurité doit être assurée par l’employeur, et non par un tiers

Dans un arrêt du 16 novembre 2023 (pourvoi n°21-20.740), la Cour de cassation a rappelé que l’employeur ne peut s’affranchir de son obligation de sécurité par la conclusion d’un contrat prévoyant qu’un tiers assurera cette sécurité. Une décision à rappeler à vos clients pour les sensibiliser à la notion de faute inexcusable, cause de bon nombre de litiges entre salarié et employeur.

Faute inexcusable

Chacun de vos clients doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Le non-respect de cette obligation de sécurité peut donner lieu à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Une telle faute est reconnue si un salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (AT-MP) et que son employeur :

  • Avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel a été exposé son salarié ;
  • Et qu’il n’a pas pris l’ensemble des mesures nécessaires pour le préserver.

Et dans ce cas, gare au portefeuille de l’entreprise ! Car le salarié (ou ses ayants droit en cas de décès) pour prétendre :

  • À une majoration de sa rente ou de son indemnité en capital : son montant dépendra notamment du taux d’incapacité du salarié, et du salaire qu’il percevait avant son accident ou sa maladie. Son montant peut ainsi atteindre des sommes très conséquentes.
  • À des dommages et intérêts visant à réparer l’ensemble de ses préjudices : physiques, moraux, d’agrément, esthétiques, perte de chance, etc. Attention, ces dommages et intérêts peuvent s’élever à plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Dans les deux cas, c’est la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) qui verse les sommes aux salariés ou à ses ayants droit. L’employeur doit ensuite rembourser la Caisse.

L’affaire

L’affaire est tristement connue : le 9 mars 2015, dix Français décèdent en Argentine sur le tournage d’un jeu télévisé, à la suite d’une collision entre deux hélicoptères. Parmi les victimes, plusieurs sportifs de haut niveau, mais également des salariés de la société de production du jeu.

Les ayants droit de l’un des salariés saisissent une juridiction afin de faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur.

La société de production avait tenté de se dédouaner en assurant qu’elle était professionnelle de l’audiovisuel et non de l’aviation civile et que « n’étant pas en mesure d’appréhender elle-même les risques liés à l’utilisation d’hélicoptères, elle s’était précisément entourée de professionnels compétents ».

Elle avait ainsi confié à une société, et plus particulièrement à son dirigeant (un professionnel hautement spécialisé et expérimenté) « une mission complète afin d’assurer la sécurité du tournage, impliquant notamment de s’assurer de l’application des bonnes procédures pour chaque expédition, particulièrement l’organisation de la sécurité des vols ».

La faute inexcusable reconnue

L’argumentaire est vain : la Cour d’appel et la Cour de cassation reconnaissent la faute inexcusable de la société de production. L’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur, et il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Les Hauts magistrats posent ensuite le principe suivant : « l’employeur ne peut s’affranchir de son obligation de sécurité par la conclusion d’un contrat prévoyant qu’un tiers assurera cette sécurité ».

Pour prouver que l’employeur n’a pas tout fait pour éviter l’accident, les juges relèvent plusieurs points :

  • C’est bien l’employeur qui a pris la décision d’organiser le vol des deux hélicoptères en formation rapprochée, malgré les risques associés. Une décision qui se trouve être « à l’origine directe et certaine de la collision entre les appareils ayant entraîné le décès de la victime ». L’exclusion d’un vol en formation des hélicoptères et la modification de leur trajectoire auraient empêché l’accident de se produire ;
  • C’est encore lui qui n’a pas pris les précautions qui s’imposaient : pas de vol d’essai sans passagers, pas de vérification de l’existence d’un moyen de communication entre les aéronefs ou entre ces derniers et le sol, notamment ;
  • Et enfin, que les « sociétés tierces qui sont intervenues pour assurer les prestations techniques et de sécurité demeuraient sous la supervision, la direction et le contrôle de l’employeur ».

L’ensemble de ces éléments permet de qualifier la faute inexcusable de l’employeur.

Accident du travail mortel : nouvelle obligation

Chaque année, environ 700 salariés décèdent à la suite d’un accident du travail mortel.

Les accidents du travail doivent être déclarés à la CPAM dont relève le salarié. Depuis mai 2023, l’employeur peut le faire en ligne via le « compte entreprise » sur net-entreprise. Rappelez à vos clients que depuis le 2 juin 2023, les accidents du travail mortels doivent, en outre, être impérativement notifiés à l’inspection du travail du lieu de l’accident :

  • Dans les 12 heures suivant le décès ;
  • Ou dans les 12 heures suivant la connaissance du décès par l’employeur, si ce dernier établit qu’il n’a pu avoir connaissance du décès dans le délai initial.

Si vos clients omettent de prévenir l’inspection du travail, ils sont passibles d’une contravention de 5ème classe. Cela représente une amende de 1 500 € pour les personnes physiques et 7 500 € pour les personnes morales.

Cette information peut être communiquée par tout moyen permettant de conférer date certaine. Elle doit comporter :

  • Le nom, raison sociale, adresse postale et électronique, téléphone de l’entreprise ou de l’établissement qui employait le salarié au moment de l’accident ;
  • Le nom, raison sociale, adresse, téléphone de l’entreprise ou établissement dans lequel l’accident s’est produit, s’il est différent de l’entreprise qui emploie le salarié décédé ;
  • Les noms, prénoms, date de naissance de la victime ;
  • Les dates, heure, lieu et circonstances de l’accident ;
  • L’identité et coordonnées des éventuels témoins.
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